Stage de Levier 2016, un article d’Akbar Nour, rédacteur indépendant.

Stage de Levier 2016 : le karaté intergénérationnel

La petite commune de Levier, composée de 2800 résidents, située au cœur des moyennes montagnes du Haut-Doubs à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Pontarlier, a vu une troupe d’athlètes tout à fait pacifique prendre temporairement possession d’une ses superbes infrastructures. En effet, durant la fin de semaine des 2 et 3 avril 2016, ce ne sont pas moins de 60 karatékas de tout âge de 8 à 61 ans (25 hommes, 17 femmes, 18 enfants) qui qui se sont réunis pour un stage de karaté intergénérationnel, dans le cadre du magnifique centre équestre et des loisirs des Fauvettes.

Ces pratiquants pour la plupart provenaient des trois clubs principaux de karaté du Haut-Doubs : EPKST Pontarlier, Karaté Métabief et AS Mouthe Karaté, à qui se joignirent quelques amis provenant de deux clubs de Moselle (Knutange et Algrange).

Ce stage fut animé durant deux jours intenses par l’expérimenté Pierre Brunet, 6e dan, directeur et entraîneur principal à l’Ippon Karaté Shotokan (IKS) Besançon, le plus important club franc-comtois avec plus de 150 licenciés, tout en étant directeur de la Ligue de karaté de Franche-Comté.

Le stage multi-thèmes débuta le 2 avril sur le coup des 15h. L’après-midi fut placé sous le signe de la self-défense, avec un travail spécifique sur les katas et les applications des katas (‘’bunkais’’). Le kata est un moyen, un outil et non une fin en soi. Comme un abécédaire, il nous permet d’apprendre et de développer notre karaté, en quelque sorte comme les gammes pour une personne jouant du piano. Comme tout apprentissage, cela doit conduire à l’autonomie. Durant ce stage, Pierre a invité les pratiquants à s’affranchir de la forme pour aller frôler le fond, c’est-à-dire chercher l’efficacité du kata sans pour autant rester dans sa forme stricte. Le kata devient alors un moyen de self-défense, nous glissons du karaté-do (la voie/chemin) vers le karaté-jutsu (technique au sens efficace).

Article 1

Bunkaï Heïan Sandan

Deux heures harassantes mais accomplies avec motivation et enthousiasme par l’ensemble des athlètes, des plus jeunes au plus vieux, encadrés par un Pierre Brunet en pleine forme, malgré ses 61 printemps.

Après un léger repos, la soirée fut animée par un sympathique apéritif et un repas bien garni, placé sous le signe de la convivialité et de la bonne humeur. Pour un certain nombre de jeunes des différents clubs, ce stage fut l’opportunité d’une première sortie sans les parents et l’occasion de pouvoir se retouver entre ados. Pour l’anecdote, les encadrants retrouvèrent à une heure avancée de la nuit juste à l’extérieur des petits chalets une rangée de petites lumières. Elles ne provenaient pas d’un atterrissage de soucoupes extra-terrestres, mais c’était simplement quelques jeunes qui avaient pris la liberté d’aller faire une petite virée nocturne improvisée. Après cette ballade avortée, ils rentrèrent dans le rang et firent cette fois-ci une escapade au pays de Morphée.

Le dimanche matin, après une nuit courte pour certains, un petit déjeuner costaud donna des forces à la communauté des karatékas, qui reprirent le cours du stage sur le coup des 09h30, l’esprit vidé de toute contrainte, de tout sentiment négatif, pour pouvoir se concentrer pleinement sur l’’’art de la main vide’’ (karaté-do)

Comme l’a dit justement le maître japonais Gichin Funakoshi, le fondateur du karaté moderne : ‘’Comme la surface polie d’un miroir reflète tout ce qui est devant lui, et comme une vallée calme transmet les sons les plus faibles, ainsi l’étudiant en karaté doit vider son esprit de l’égoïsme et de la méchanceté dans un effort pour réagir d’une manière appropriée à tout ce qui peut se présenter à lui’’.

Le programme dominical de nos amis en kimono débuta d’abord sur des exercices fondamentaux de combat (‘’kumité) et de techniques répétées (‘’kihon’’), valorisant un travail d’évaluation des distances. Puis Pierre Brunet termina la matinée sur l’exécution des différents katas Heian (Nidan, Sandan, Yondan, Godan) et un travail sur des applications de kata (‘’bunkaïs’’). Vu l’hétérogénéité du groupe, composés de différents âges et niveaux de ceinture, Pierre Brunet mit l’accent sur un programme adapté, permettant une lecture simple pour les moins gradés et une lecture plus complexe pour les plus gradés.

Uraken

Uraken Uchi en Kumité

A deux heures trente de sueur et de travail dynamique succéda un déjeuner fort bienvenu et réparateur.

L’après-midi débuta vers 14h15, avec un échauffement tout en douceur et en fluidité, basé sur du ‘’tai-chi’’, qui est une sorte de gymnastique corporelle chinoise issu du kung-fu, incluant un ensemble de mouvements de type continu et circulaires réalisés avec lenteur et précision. Cet art martial interne met en exergue la maîtrise de la respiration, l’équilbre et la santé et vise entre autres à perfectionner la souplesse et à renforcer les structures musculaires. Après cet intermède de gymnastique énergétique globale, le reste de l’après-midi fut consacré à un travail spécifique sur des techniques de défense à partir d’applications du kata Heian Nidan et Heian Godan, à savoir une vision plus libre de l’application du kata : moins académique et du coup, plus réaliste. Cette après-midi, débutée dans le calme, se termina par l’apprentissage du kata supérieur Nijushiho (signifiant ‘’24 pas’’ en japonais). Ce kata, choisi par Pierre Brunet, permit de boucler la boucle, par un travail complet, reprenant l’ensemble des mouvements et techniques étudiés durant le stage. Ce kata supérieur se particularise par l’alternance de passages rapides et de temps lents. Il contient 33 mouvements et il vise à capter l’attaque, tout en écartant l’assaillant dans le même mouvement. Ce kata a permis aux différents pratiquants d’apprendre des techniques d’attaque et de défense de plusieurs angles et un travail de coordination, nécessitant une grande concentration.

C’est sur cette note finale que les karatékas terminèrent le dur et riche apprentissage offert par Pierre Brunet.

Prenons un peu de temps pour nous focaliser sur ce grand monsieur du karaté franc-comtois qu’est Pierre Brunet. Il a découvert le karaté dans son pays d’origine, le Congo, puis est venu à Besançon, pour entamer des études supérieures. La carrière remarquable de cette personnalité charismatique qui vit du et pour le karaté à 100% a culminé avec l’obtention en décembre 2011 du 6e dan, ce qui le positionne parmi les 60 experts de ce niveau sur le territoire français. Personnalité charismatique représentant bien les différentes valeurs du karaté, il a mis ses nombreuses compétences au service de la communauté à différents paliers : club, départemental, régional, national et international (puisqu’il a exercé diverses fonctions techniques de responsabilité pour différentes fédérations nationales : Congo, du Sénégal, de Roumanie et du Maroc). Partagé entre ses responsabilités de directeur technique à la Ligue de karaté de Franche-Comté, de directeur et entraîneur principal de l’IKS Besançon depuis 1986 et d’entraîneur principal de l’équipe congolaise, il vit et respire le karaté. Parmi les centaines de ceintures noires qu’il a formées, il a permis l’éclosion de nombreux champions régionaux, nationaux, africains et internationaux (on peut citer Luc Menyomo, champion du monde universitaire et double champion d’Europe junior en 1998 et Younes Kadmiri, champion du monde junior par équipe). Plus récemment, on peut citer Laura Sivert, qui a remporté en janvier 2016 la Coupe de France combats espoirs. Cette prometteuse championne a été formée par Pierre Brunet et est désormais entraînée par l’ancien vice-champion du monde WKF et dynamique entraîneur franco-sénégalais du Sauvegarde Besançon, Fode Ndao.

Pierre veille

Pierre veille au grain, il est le gardien de la transmission

Pour Pierre Brunet, ce stage fut une nouvelle opportunité de transmettre et de partager avec passion son riche bagage martial. D’ailleurs, la plupart des participants, des habitués de ses stages, sont venus personnellement le remercier chaleureusement à la fin de ces deux journées. Pour Pierre, d’ailleurs comme il l’écrit sur son blog : ‘’le karaté est une aventure humaine exceptionnelle’’. Ce stage a été un riche moment de partage intergénérationnel, le plus jeune pratiquant ayant 8 ans et a permis à l’expert bisontin de remarquer que nombre de ses élèves avaient bien progressé.

Pour le lion congolais, le 6e dan lui a conféré indubitablement la maîtrise technique de son art et lui a permis de se libérer du ‘’formatage’’ du karaté pour tendre à une recherche de relâchement et de fluidité dans sa pratique. Comme il le dit justement : ‘’le karaté, au-delà de la croissance biologique, me permet de croître au niveau physique et mental. Il me permet aussi d’ouvrir de nouveaux chapitres dans ma vie’’. Et ce qui est fascinant chez lui, c’est sa passion d’apprendre et de transmettre sans cesse, avec un visage qui respire le bonheur et la sérénité.

Merci Pierre et à l’année prochaine !!!

 

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